Le Musée de sciences - Montée du modèle communicationnel et recomposition muséale - IMPRIMÉ
Bernard Schiele. Le Musée de sciences - Montée du modèle communicationnel et recomposition muséale. Coll. Beaux-Arts. Paris : L'Harmattan Communications, 2001, 280 pages. ISBN : 2-7475-0832-3
PROPOS D'UNE LECTURE
Le professeur et chercheur Bernard Schiele, qui poursuit depuis plusieurs années des travaux sur les pratiques et les formes de partage des savoirs scientifiques, réunit dans son plus récent ouvrage un ensemble de textes, lesquels ont marqué ses recherches.
L'auteur et spécialiste de la socio-diffusion des sciences au Québec, qui a notamment publié avec certains co-auteurs, «Vulgariser la science», «Quand la science se fait culture» et «La Révolution de la muséologie de la muséologie des sciences», nous propose dans son dernier volume, une synthèse articulée autour de l'évolution du champs communicationnels de la muséologie scientifique.
Parce que l'ouvrage s'appuie sur de nombreuses références reconnues internationalement et qu'il questionne les pratiques en matière de modèle de communication scientifique, il ne manquera pas d'intéresser les muséologues, les communicateurs scientifiques, les chercheurs et étudiants préoccupés par ces grandes questions. Plus spécifiquement, les spécialistes de l'évaluation muséale y trouveront des stratégies d'analyse de compétence communicationnelle, ainsi définies par l'auteur.
Un point d'ancrage : la spécification de la muséologie scientifique
Le propos de l'ouvrage, tel que présenté par Schiele, se trame autour d'un point d'ancrage qui est celui de la spécificité de la muséologie des sciences. C'est à partir des particularités de cette muséologie, que l'auteur trace l'évolution des modèles de communication qu'elle a engendrés tout en commentant et questionnant la montée en puissance de la fonction communicationnelle et éducative des musées de sciences au XXe siècle. Enfin pour Schiele, la particularité des musées de sciences, caractérisée par leurs modes de communication, couplée aux transformations de la société et de la culture sont des éléments qui concourent à une nouvelle recomposition du champ muséal scientifique.
L'ouvrage, bien structuré dans son contenu, ne manque pas de références historiques, ce qui le rend plus complet. Le lecteur comprendra les fondements sociaux et historiques qui ont conduit aux pratiques et aux problématiques de la muséologie scientifique actuelle. L'évolution des rapports au savoir établi par le musée est omniprésent dans l'ensemble de l'ouvrage.
Quoique le musée scientifique ne constitue pas un genre à part dans la définition de l'ICOM, il apparaît que le visiteur le moins averti sait distinguer un musée d'art d'un musée de sciences. La forme de mise en exposition, le discours, jusqu'à la nature des collections, tout les oppose. Suite à ce constat, Schiele émet l'idée directrice suivante : Le musée de sciences se distinguerait des autres formes muséales.
L'auteur cependant fait preuve d'une certaine prudence dans la nature de ces propos. Ne voulant exclure la muséologie scientifique du champ muséal, il parle davantage d'une muséologie en voie de spécification plutôt que de spécificité.
Enjeux de la communication
Ce sont les formes particulières de médiation des savoirs qui distinguent la muséologie scientifique dans le champ muséal. Le chapitre intitulé Les enjeux de la communication publique des sciences, retrace l'évolution de la vulgarisation scientifique jusqu'à nos jours, en définit les caractéristiques et les actions et pose un regard critique sur les pratiques actuelles.
La vulgarisation scientifique apparaît dans les salons au XVIIIe siècle au même moment où la pensée scientifique se dissocie progressivement de la métaphysique. Depuis, pensée scientifique et pensée vulgarisatrice cheminent côte à côte, la vulgarisation ayant accompagné la science afin d'en favoriser la propagation. Ce côtoiement n'a pas été sans susciter débats et questionnements, encore aujourd'hui très actuels, parmi les chercheurs et les communicateurs. Pourquoi les vulgarisateurs reprochent-ils aujourd'hui aux chercheurs leur incapacité de communiquer entre eux et de transmettre de manière accessible leur savoir au public ? Et les vulgarisateurs sont-ils les maîtres d'oeuvre de cette communication dont ils se réclament ? Est-il encore utile que cette science soit partagée ? À cet égard, l'auteur souligne l'importance d'interroger et de redéfinir le projet vulgarisateur.
Dans ce chapitre Schiele souligne également l'impact des développements technologiques sur la production et l'échange du savoir. Il parle davantage de révolution des modes d'appropriation du savoir, là où il souligne l'enjeu profond.
Recomposition du champ muséal
Quelles sont les formes de médiation et de négociation privilégiées par le musée scientifique ? Comment ces formes ont-elles évolué ? Afin d'émettre des tendances, faut-il pouvoir les rapporter aux transformations qu'elles ont subies ? L'auteur présente quelques idées-forces autour desquelles se sont cristallisé la muséologie scientifique et technique actuelle. Parmi ces idées figurent la montée en puissance du visiteur et de l'interactivité.
Au moment où le musée objet est encore en vigueur en Europe, la muséologie scientifique nord américaine amorce déjà fortement le mouvement de recomposition muséale. Avec leur ouverture en 1969, l'Exploratorium de San Francisco et le Centre des sciences de l'Ontario faisaient du musée un lieu de médiation des connaissances sollicitant la participation active du visiteur, placé volontairement au centre du dispositif. Une nouvelle tendance était née et elle persistera jusqu'à aujourd'hui. Cependant, dans les dernières années, deux nouveaux facteurs viennent influencer la pratique muséale : la diminution des ressources engendrée par une décroissance économique et l'intégration de l'école et du Musée.
Le visiteur et la notion d'évaluation
Au cours de ses recherches, Bernard Schiele a tenté d'appréhender la notion de visiteurs à travers les différents courants de pensée. C'est ici que l'avènement de l'évaluation entre en jeu. L'auteur présente les facteurs historiques qui ont favorisé la montée de ce concept et son inscription progressive dans la pratique muséale. Les derniers chapitres sont d'ailleurs consacrés à l'évaluation muséale pour lecteurs avertis. À travers une série de concepts plus complexes, faisant appel entre autres à la sémiologie, Schiele tente de définir le rapport du visiteur avec le médium exposition. Il propose, notamment, une grille méthodologique qui met en évidence l'ensemble des paramètres et les niveaux d'analyse sur lesquels il s'appuie.
Pour tous ceux et celles qui s'intéressent au développement de la muséologie et de la communication scientifique, cette récente publication de Bernard Schiele constitue un ouvrage de synthèse et de référence à consulter. Même si certains articles présentés datent déjà de plusieurs années, il n'en demeure pas moins qu'un bon nombre de questions abordées sont toujours d'actualité et suscitent le débat.