Musée d'art de Joliette
Julie Favreau. Les intuitions.
Première exposition individuelle consacrée au travail récent de l’artiste québécoise Julie Favreau depuis 2018, Les intuitions regroupe un corpus d’œuvres vidéo, d’installations photographiques et de pièces sculpturales, le projet est aussi l’occasion de partager le résultat d’une résidence de création réalisée chez Sporobole (Québec) en 2022, lui ayant permis de concevoir une expérience de réalité virtuelle.
Depuis 2019, c’est l’enjeu de l’intelligence artificielle – le rapport trouble entre cognition, machine, humanité et sensations – qui fascine l’artiste et nourrit ses recherches. Déjà, la prothèse comme extension ou outil d’amplification du corps et de ses sens était un motif récurrent de son corpus qui s’interroge maintenant sur les effets potentiels d’une nouvelle ère technologique sur les corps humains. Ses œuvres s’inspirent notamment des réflexions du philosophe italien Federico Campagna qui a écrit Technic and Magic: the reconstruction of reality (2018) [Technique et magie : une reconstruction de la réalité] et A Sermon for the Parents of Young Machines (2020) [Une leçon pour les parents de jeunes machines]. Elles s’affichent comme des études spéculatives explorant les interactions possibles entre acteurs humains et machines : relation parentale créateur/créature, rapport d’autorité maître/élève, relation de plaisir ou dimension spirituelle. Campagna suggère que toute relation comporte à la fois une dimension érotique, soit la recherche d’un plaisir mutuel gratifiant, et une dimension spirituelle édifiante par laquelle chaque acteur grandit, devient meilleur. Voilà un terreau fertile pour interpréter les nouvelles œuvres créées par l’artiste depuis 2020.
Ici, la démarche de Julie Favreau consiste à spéculer sur la possible émancipation ou autonomisation d’une forme d’intelligence technologique avec laquelle il faudrait alors apprendre à communiquer. Son travail récent met en images cette quête d’un nouveau langage puisque chaque geste pratiqué dans ses vidéos apparaît comme la base d’un vocabulaire qui permettrait d’interagir avec une chose – un blob figuré à différents moments de son évolution – correspondant à la matérialisation imaginaire de cette intelligence parallèle. Évitant le piège d’un scénario dystopique ou utopique, l’artiste fait évoluer ses protagonistes dans un environnement naturel familier qui les rapproche de l’ère contemporaine. D’autres formes d’intelligence coexistent déjà aux côtés de l’intelligence humaine, dont celles de la nature, des plantes et des animaux. S’ajoute maintenant l’intelligence artificielle, dont les avancées rapides posent plusieurs questions éthiques qui ne sont pas entièrement déconnectées des défis que soulève également la cohabitation avec d’autres espèces du vivant, nécessaire au maintien de l’existence humaine telle qu’on la connaît. Julie Favreau fait le pari qu’on gagne à envisager ces enjeux à partir de leurs effets sur le corps, et c’est pourquoi ses vidéos proposent moins des récits que des expériences sensorielles incarnées dont l’une est même à vivre par les visiteurs et visiteuses de l’exposition qui se laisseront tenter par la première œuvre de réalité virtuelle créée par l’artiste.
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Marianne Cloutier
Conservatrice de l’art contemporain par intérim
Téléphone : 450-756-0311, poste 224
Courriel : mcloutier@museejoliette.org
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